Responsable d'intervention pour la société Merlin-Gerin (devenue plus tard Schneider-Electric puis Rolls-Royce Civil Nuclear), j'ai vécu trois années à un rythme effréné, loin de chez moi et dans le milieu anxiogène, grandiose et hostile des réacteurs. Même si c’est illégal, je n’ai pas eu un jour de repos pendant cette période. Parcourant la France dans tous les sens avec ma petite voiture (une Renault 5 diesel), j’intervenais rapidement et le plus efficacement possible avec ou sans mes gars, larbins sous-traitants d'EDF que nous étions. Cumulant les kilomètres mais heureusement pour moi et contrairement à d'autres pas les doses de radiations. Je garde quand même un souvenir ému de cette période qui pourtant à failli s'achever de manière tragique.
Les années suivantes, j'ai été reclassé dans des taches de moindre importance comme la réparation des sous-ensembles électroniques, leur contrôle et leur validation par l'application de différentes procédures de tests et d'essais. Les collègues étaient sympas et assez solidaires face à notre malveillante et mesquine hiérarchie. Notre n+1 était lui un petit roquet teigneux. Il y a d'ailleurs eu plusieurs suicides dans le service.
Je le revois, par exemple, m'invectivant parce qu'il me fallait boire beaucoup d'eau à cause de mon traitement par sels de lithium. Il faut quand même dire que les locaux de notre antenne annexe à Poisat n'était pas climatisés et que l'été nous y relevions souvent des températures supérieures à 30°C.
Quand ce chef de service nabot et tortionnaire est enfin parti à la retraite, son remplaçant m'a donné une chance en me nommant contrôleur technique.
Cette fonction était intéressante car par ma maitrise des différents équipements électroniques, parfois complexes et de leurs fonctions dans les réacteurs nucléaires, je prenais un rôle important en ce qui concerne la sureté et la pérennité de l'instrumentation des installations nucléaire françaises et de quelques unes à l'export.
Je sortais à nouveau de l'ombre mais pas non plus vraiment prêt à faire des concessions vis à vis des failles du système ni a être le simple "cocheur de cases" nécessaire pour la validations d'un travail parfois douteux ou carrément non effectué. Même de mieux en mieux payé, je n'étais pas prêt à être au service du lobby nucléaire et de ses magouilles. Je refusais le rôle d'éventuel fusible que ma hiérarchie tentait peu à peu de me faire tenir quand je devait signer des suivis d'opérations plus que douteux. Pas question dans mon éthique d'être un signataire bidon de plus sur un plan qualité de complaisance. D'être un pantin sans foi ni loi comme le sont beaucoup d'arrivistes de cette filière.
Alors sont venus les interrogations et les scrupules - un autre conflit de loyauté - vis à vis de moi-même (de mon métier) et des générations futures (mes valeurs). Une autre " schizophrénie ".
Début 2017, me voyant incapable de reprendre mon job, mon toujours psychiatre Philippe Séchier, me proposa un statut d'invalidité. Comme la pension représentait la moitié de mon salaire et qu'elle était complétée par une rente (assurance) j'ai accepté (LOL !).
Sans avoir le souci du travail, une nouvelle vie commence pour moi et si la " psychose atomique " réémergeait je me soignerai. Je suis armé pour maintenant.
3 commentaires:
longue vie aux artistes! Félicitations pour le parcours, et plus encore sur la lucidité qui en ressort :)
Et on apprend sur toi ces chefs de m...très souvent et...des suicidés...toujours des " perdus de vue" dorénavant ailleurs invisibilisés par un système au service de la rentabilité et sacrifiés du monde des profiteurs...
Et tu as bien fait !!!
bravo pilou « Ne rien lâcher, ne veut pas dire être aveugle. Juste à prouver qu'on est capable de le faire."
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