24 décembre 2021

Les papas de mon cœur :

Mes parents ne me donnaient que peu de signes de reconnaissance ou de légitimité dans les choix que je faisais. Critique à toute mes initiatives, Maman parle encore d'élucubrations quand elle juge ma peinture ou n'importe quoi de ma production sauf peut-être et bizarrement, dans la discipline où je me juge le moins qualifié : la musique.   
Je veux penser quand même penser qu'à part de très rares exceptions, une maman fait toujours de son mieux avec ce qu'elle a pour ses rejetons même si, parfois, elle n'a pas grand chose !


Papa est mort quand j'avais l'âge de 29 ans. Lui n'en avait que 59 et, c'est con car il était à quelques brasses de la retraite. Evidement il m'a longtemps manqué comme quelque chose de coutumier peut manquer. Comme une drogue peut manquer. Puis, peu à peu,  j'ai appris à vivre sans lui. En lui parlant dans ma tête parfois, mais en n'écoutant pas son fantôme parce que son esprit mort ne s'est jamais manifesté. De son vivant, il n'était pas tellement présent dans le foyer. Il passait ses weekends sur son bateau, sur le lac où nous avons dispersé ses cendres à l'automne 1992. La semaine, il bricolait tous les soirs dans son check,  radio amateur et bidouilleur qu'il était, un petit local en soupente que nous appelions " l'estanco ".
Ce que je retiens de mon père c'est qu'il était blagueur et courageux (bien plus que moi). Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. J'aurais dû mais ce n'était pas le genre de mots que l'on disait dans la famille.  Ca aussi c'est con ! 
Aujourd'hui, à 2 doigts de vivre plus vieux que Papa, je me cherche des palliatifs à ce qui m'a toujours tellement manqué , de ce que de lui je n'ai pas hérité : la confiance en moi et des valeurs. 

Ma grande gueule et mon expertise en parrèsia, peuvent, je le sais, me faire paraitre prétentieux ou fou, mais je dois le dire : j'ai plaisir à  approcher ceux que je considère comme des éclaireurs car, comme eux,  je me moque bien maintenant d'être différent du groupe humain où je me trouve. 

 


Être un vilain petit canard, un mec bizarre, passer pour un idiot ou me faire censurer ne me fait plus peur.  Je suis vacciné !

12 décembre 2021

Le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre.

J'ai passé plus ou moins 36 ans de ma vie à prendre des tonnes d'antipsychotiques, des régulateurs de l'humeur ou des anxiolytiques (où le mot médicament correspondait à sa version anglaise : Drugs) dont 30 à travailler dans le domaine de l'énergie nucléaire sans aucune reconnaissance de travailleur handicapé.
 Une question se pose alors : " Comment un schizophrène peut-il être lié et intégré au secret défense ? "

Travailler dans les centrales nucléaires est une expérience unique. Dans les CPN, la vie d’un homme n’a pas beaucoup de valeur si on la compare au prix de l’énergie. Le monstre de béton et de ferraille réduit, ici, le travailleur à une fonction de « chair à neutrons »  Aujourd'hui, il ne lui est plus demandé de bien faire son boulot mais de le faire vite. La production est prioritaire. Ne pas le comprendre peut amener à faire n’importe quoi, et le comprendre amène au burn-out. Mais quand il s’agit de faire fonctionner la machine, cela n’a aucune importance.


Responsable d'intervention pour la société Merlin-Gerin (devenue plus tard Schneider-Electric puis Rolls-Royce Civil Nuclear), j'ai vécu trois années à un rythme effréné, loin de chez moi et dans le milieu anxiogène, grandiose et hostile des réacteurs. Même si c’est illégal, je n’ai pas eu un jour de repos pendant cette période. Parcourant la France dans tous les sens avec ma petite voiture (une Renault 5 diesel), j’intervenais rapidement et le plus efficacement possible avec ou sans mes gars, larbins sous-traitants d'EDF que nous étions. Cumulant les kilomètres mais heureusement pour moi et contrairement à d'autres pas les doses de radiations. Je garde quand même un souvenir ému de cette période qui pourtant à failli s'achever de manière tragique.

C'était à Saint-Laurent-Des-Eaux, juste avant la Saint Sylvestre et le passage en 1990. Je me rappelle de cet épisode de ma vie comme si c'était hier. De l'arrestation ce matin de brouillard par les policiers qu'avait mandatés le préfet du Loiret, des mensonges me concernant qu'avaient extorqués ensuite les flics à ma copine de l'époque, Dominique,  et, pour finir, de la rudesse de la chambre d'isolement. 

Après un épisode en hôpital psychiatrique à la demande du préfet du Loiret (Hospitalisation sous contrainte),  j'ai essayé de reprendre mon métier de responsable d'interventions dans les centrales nucléaires mais, à cause des médicaments, je n'y suis pas arrivé.

Les années suivantes,  j'ai été reclassé dans des taches de moindre importance comme la réparation des sous-ensembles électroniques, leur contrôle et leur validation par l'application de différentes procédures de tests et d'essais. Les collègues étaient sympas et assez solidaires face à notre malveillante et mesquine hiérarchie. Notre n+1 était lui un petit roquet teigneux. Il y a d'ailleurs eu plusieurs suicides dans le service. 

Personnellement, de 1990 à 2007, répondant au doux surnom de " Malade mental ", j'ai dû subir encore plus que les autres, ce chef de service malveillant. Aidé par les RH, il cherchait à tous prix à me pousser à la faute pour me faire licencier en m'humiliant le plus possible.

Je le revois, par exemple, m'invectivant parce qu'il me fallait boire beaucoup d'eau à cause de mon traitement par sels de lithium. Il faut quand même dire que les locaux de notre antenne annexe à Poisat n'était pas climatisés et que l'été nous y relevions souvent des températures supérieures à 30°C.
    
Mais j'ai tenu, sans statut de handicap, en cachant les choses ou en les racontant à ma sauce, j'ai résisté. Ma femme m'a aussi énormément aidé. 

Quand ce chef de service nabot et tortionnaire est enfin parti à la retraite, son remplaçant  m'a donné une chance en me nommant contrôleur technique

Cette fonction était intéressante car par ma maitrise des différents équipements électroniques, parfois complexes et de leurs fonctions dans les réacteurs nucléaires, je prenais un rôle important en ce qui concerne la sureté et la pérennité de l'instrumentation des installations nucléaire  françaises et de quelques unes à l'export. 

Je sortais à nouveau de l'ombre mais pas non plus vraiment prêt à faire  des concessions vis à vis des failles du système ni a être le simple "cocheur de cases" nécessaire pour la validations d'un travail parfois douteux ou carrément non effectué. Même de mieux en mieux payé, je n'étais pas prêt à être au service du lobby nucléaire et de ses magouilles. Je refusais le rôle d'éventuel fusible que ma hiérarchie tentait peu à peu de me faire tenir quand je devait signer des suivis d'opérations plus que douteux. Pas question dans mon éthique d'être un signataire bidon de plus sur un plan qualité de complaisance. D'être un pantin sans foi ni loi comme le sont beaucoup d'arrivistes de cette filière.

Alors sont venus les interrogations et les scrupules - un autre conflit de loyauté - vis à vis de moi-même (de mon métier) et des générations futures (mes valeurs). Une autre " schizophrénie ".
 
Début 2015, il y avait longtemps que je ne trouvais plus de motivation pour aller travailler tous les matins et ce fut de pire en pire. Les dernières années de boulot, tellement il était devenu ennuyeux et monotone, furent extrêmement douloureuses pour, au final, déboucher sur un ultime burn-out. décompensatoire.

Début 2017, me voyant incapable de reprendre mon job, mon toujours psychiatre Philippe Séchier, me proposa un statut d'invalidité. Comme la pension représentait la moitié de mon salaire et qu'elle était complétée par une rente (assurance) j'ai  accepté (LOL !).

Sans avoir le souci du travail, une nouvelle vie commence pour moi et si la " psychose atomique " réémergeait je me soignerai. Je suis armé pour maintenant.